
Le cauchemar de Fusseli (1782) est un tableau très intriguant. Sa structure est binaire de part en part : verticalité/horizontalité, ombre/lumière, animalité/humanité et vie/mort. L'équation hamlétienne "mourir, dormir" pourrait s'appliquer ici. La jeune femme immaculée et se pâmant lascivement n'est pas le centre d'attention ; c'est le monstre brun foncé assis sur elle et nous regardant fixement de ses yeux injectés de sang. Cet incube, créature masculine nocturne qui saillit les femmes durant leur sommeil, est l'épitome de ce que Freud a nommé l'Unheimlich, ou inquiétante étrangeté. "Petite mort" semble décrire avec pertinence l'état cauchemardesque de la jeune femme et le calembour du titre devient apparent quand on a remarqué la jument sur la gauche (cauchemar vient de l'anglais night+mare). L'ordre est défait par une structure ternaire parallèle : il y a trois êtres, le blanc et le noir se mêlent dans un effet de chiaroscuro et la jeune femme, oscillant entre vie et mort, est dans un état de pure jouissance.

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